Cheminer hors des sentiers battus

Je me passionne pour la santé depuis que je suis adolescente. Pourtant, il faut que vous le sachiez, je ne m’y intéresse pas d’une façon classique. Je suis même totalement hors des sentiers battus.

Ce que vous découvrez de nos jours comme une mode dans les magazines tendances (les smoothies, les jus de légumes frais faits à l’extracteur…), il y a 12 ans en France, en 2007, personne ne s’y intéressait. Un seul site internet un peu baba cool vendait des extracteurs de jus et il existait si peu de naturopathes qu’il fallait aller en Suisse ou ailleurs pour en trouver. Je le sais, puisque je souhaitais devenir naturopathe et que comme c’était un métier inconnu, ma famille m’y avait découragé, me poussant vers des études d’infirmière… ! Autant vous dire que les végans étaient des extra-terrestres et la permaculture un mot savant à jouer au scrabble.

On pourrait alors se demander comment j’ai pu me retrouver plongée au cœur de ce milieu alternatif. En fait, il y avait une raison un peu spéciale à mon intérêt.

Française, je suis née sur une île de l’océan indien, Mayotte. J’ai ensuite grandit entre plusieurs pays d’Afrique et plusieurs cultures, que loin d’observer de l’extérieur, j’ai fait miennes. Je me suis sentie métisse, à bien des égards. C’est ce qui m’a apprit que la réalité peut être multiple, mouvante, et même parfois contradictoire. Alimentation, éducation, santé, vision de la vie et des rapports humains… Ce qui est logique dans une culture ne l’est pas forcément dans une autre. C’est ce qui m’a poussé, dès l’adolescence, à rechercher ma propre vérité, dans tous les domaines.

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Le Tchad, où j’ai passé le plus d’années, était un pays en souffrance, l’un des plus pauvres d’Afrique. L’espérance de vie y était de 45 ans. Les soins médicaux extrêmement insuffisants. Lorsque l’on vit là bas, il se passe rarement un mois sans que l’on vienne nous apprendre le décès de quelqu’un. Je me rappelle les oncles de l’homme qui est devenu mon mari, décédés pour des maladies dont on ne meurt plus en occident, comme d’un calcul rénal. Je me rappelle ce nouveau-né, mort de faim car il n’arrivait simplement pas à téter et qu’il n’y avait pas d’alternative accessible ou connue. Ou cet homme mort d’hémorragie après une entaille à la cuisse, car l’hôpital le plus proche était bien trop loin.

L’ignorance, le non accès à la connaissance des besoins de base du corps et des premiers soins me semblait plus grave encore que la pauvreté. Je ne comprenais pas tout, mais je constatais, impuissante. Quand j’étais lycéenne, mes parents possédaient un petit guide d’anti-consommation, qui apprenait à faire bien des choses par soi-même. Je le lisais et relisais, au point que la couverture s’en déchirait et que ses pages s’en détachaient ; testant une recette de soin par ci, un jardinage par là. Dans un pays où il n’y a «rien» et où la dépendance envers les pays riches est totale, le fait de savoir s’en sortir avec peu de choses prend un sens particulier. Je me passionnais donc pour l’auto-suffisance. Je m’intéressais aux plantes sauvages médicinales d’Afrique. Aux huiles essentielles. Au massage. Et je commençais à faire le lien entre la nourriture et la santé.

Ce qui m’intéressa au fil du temps était de pouvoir revenir à la compréhension de la base des besoins du corps. L’être humain avait vécu et évolué pendant des millénaires sans toute notre technologie, nos médicaments et nos connaissances. Je trouvais ces avancées formidables, bien sûr, mais j’étais convaincue que même dans la pauvreté, nous devions pouvoir vivre de façon optimale. Qu’il y avait la possibilité, sans doute oubliée, d’une égalité pour tous. Même toutes les connaissances apportées par les traditions et la culture au fil des génération me semblaient incomplètes, basées sur un savoir partiel, issu des possibilités plutôt que du savoir et de la compréhension profonde du fonctionnement du monde, du corps, de la terre. Il manquait quelque chose.

L’humanité avait-elle été plongée dans l’oubli ?…

(article suivant : Revenir à la base des besoins humains)